Acceptabilité sociale : trois clés pour un échec assuré

La récente décision de la société TransCanada de convertir son gazoduc afin qu’il puisse transporter du pétrole et de construire un nouveau tronçon de 1 400 kilomètres jusqu’à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick remettra sur l’écran radar de tous ceux et celles qui s’intéresse à la participation publique, la question de l’acceptabilité social de tels projets. Les débats s’annoncent vifs et au moins un chroniqueur a déjà clairement fait connaître ses couleurs.

C’est dans ce contexte que j’ai pris connaissance du mémoire de Charles Beaudoin-Jodoin Uranium à Sept-Îles : ethnographie d’un refus à propos de la résistance populaire à l’exploitation d’une mine d’uranium (lire les archives de Google sur le sujet). Comme le fait remarquer avec justesse son auteur, s’il y a un milieu qui s’est façonné entre autres avec l’exploitation minière, c’est bien celui de Sept-Iles. Et pourtant, ce projet a tellement réussi à soulever d’opposition qu’un groupe de 20 médecins du Centre hospitalier de Sept-Îles ont menacé de remettre leur démission et que, tout dernièrement, le gouvernement a confié au BAPE un mandat d’enquête et de consultation.

Pourquoi ? Voici ce que je retiens de l’analyse de monsieur Beaudoin-Jodoin.

La culture du secret

Dans un des plus hauts points de la région, l’exploration uranifère inquiéta en premier lieu les villégiateurs aux abords du lac Kachiwiss. Durant l’année 2008, ils furent les premiers à être avisés, par des prospecteurs miniers eux-mêmes, de ne pas consommer l’eau ou de faire preuve de grande vigilance quant à son l’utilisation. Avec raison, ces derniers trouvent alors inquiétant que peu d’explications leur soient données entourant ces précautions à prendre. Ces villégiateurs ne sont avisés que beaucoup plus tard qu’un projet d’exploration uranifère se fait à proximité du lac.

Non seulement la population septilienne ne sait pas qu’il y a de l’exploration d’uranium à proximité de la ville, mais les autorités municipales l’apprennent par le biais d’un « comité de vigilance » qui se met graduellement en place : Sept-Îles Sans Uranium (SISUR). Cet élément sera au coeur de la protestation populaire. Les questions fusent de toutes parts : pourquoi une compagnie minière peut-elle faire de la prospection sans que la population ni même la ville ne soient averties ? Comment se fait-il qu’aucun ministère n’ait l’obligation d’informer de toute prospection minière dont les impacts sont pourtant bien réels ? Enfin, quelles sont les représentations de cette communauté face à ce projet d’exploration uranifère ?

La stratégie de l’abonné-absent

L’information arrive au compte-goutte et l’impatience se fait de plus en plus sentir envers les autorités qui elles mêmes ont peine à entrer en contact avec la compagnie Terra Ventures qui, il va sans dire, n’offre aucune assurance quant au projet en question et aux risques lui étant associés. … La compagnie Terra Ventures qui ne retourne pas les appels, ne parle pas aux médias, ne rencontre pas le conseil municipal, n’offre pas de séance d’information est, enfin, tout simplement absente du tableau. À ce niveau un consensus s’établit. Tous veulent savoir et connaître ce qui se passe au lac Kachiwis.

Information-consultation : trop peu, trop tard

Si cette pluralité de « points de vue » vise à informer la population locale des enjeux concernant l’uranium, cette rencontre aura été pour une des représentantes du milieu environnemental, « pas un peu simpliste, ça été bien fait, sauf que puisque c’était fait un jeudi et un vendredi, c’était difficilement accessible à monsieur et madame tout le monde. Donc moi je pense qu’ils se sont arrangés pour que, ce n’est pas fin [gentil] ce que je vais dire, mais pour que la participation citoyenne soit réduite le plus possible. Donc les gens qui étaient là, c’était un, des gens qui émanaient soit du milieu environnemental et beaucoup du milieu économique ». Cette interviewée vivant depuis plusieurs années dans la région, et qui observe de très près le débat local autour de l’uranium, me dira d’ailleurs que ce forum laissa un goût amer pour plusieurs. Subterfuge démocratique ou réelle pratique d’information; quoi qu’il en soit, ce forum aura permis dans une large mesure, néanmoins, d’en connaître un peu plus sur les enjeux de l’uranium.

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